En ramenant le malade

Kaven entra dans la chambre de Fred. Elle était exactement à l'endroit où le garçon, même s'il était à moitié sonné, lui avait indiqué. Il ouvrit la porte et aida son aîné à faire les quelques pas qui lui restait. Il l'allongea sur le lit et arrangea les couvertures au-dessus de lui. Il alla jusqu'à la salle de bain et humidifia une serviette avec de l'eau froide, puis il revint et la posa sur la tête du garçon. Il réfléchit un instant, puis tira une chaise près du lui et s'assit. Il hésita, puis dit doucement :

"Je vais rester encore un peu ici, je préfère ne pas te laisser tout seul pour le moment."

Il épongea un peu le front humide avec le tissu mouillé, puis se rassit sur la chaise et balança la tête en arrière, avant de la ramener droite et de regarder le malade allonger sur le lit. Il croisa les bras et les posa sur ses genoux, avant de se taire. Il n'avait pas allumé la lumière, il avait fermé les portes, mais dans la pénombre, il apercevait quand même le visage plein de sueur de Fred.

*J'espère qu'il va allait mieux.* pensa-t-il.

[Mille pardon pour cet honteux retard, ça ne se reproduira plus! ^^"]


Lorsque Fred rouvrit les yeux, il faisait toujours aussi sombre dans la chambre qui n'était éclairée que par le lampadaire qui illuminait les allées sous la fenêtre. Sa lumière jaune passait à travers le store pour tomber en raits réguliers sur la moquette, lui donnant un aspect pour le moins troublant lorsqu'on est à moitié imbibé d'alcool. Lentement, l'occidental tourna la tête pour regarder l'heure sur son réveil. Seulement minuit et quart? Il ne s'était écoulé que vingt petites minutes depuis son entrée fracassante dans les toilettes? Il avait l'impression d'avoir dormi pendant des heures. Mais au fait, comment était-il arrivé dans son lit?

Ce fut seulement à cet instant que Fred remarqua une silhouette ensommeillée sur une chaise toute proche. Et tout se remit en place dans son esprit embrumé.

"Kaven?..."

Fred s'était instinctivement assis, et son malaise qu'il pensait assoupi se déchaîna à nouveau, avec une telle violence qu'il cru bien s'évanouir. Ses mains allèrent se plaquer sur ses tempes tandis qu'il laissait échapper un gémissement: quelle migraine... Bon, un bon point: sa nausée semblait s'être estompée et il ne transpirait plus comme s'il se trouvait en plein désert. Mais bon sang qu'est-ce qu'il avait mal à la tête... Son regard tomba sur la serviette humide qu'il avait fait tomber sur le matelas en se redressant, et il adressa un regard incrédule au jeune homme assis à coté de lui:

"Pourquoi es-tu resté? Ce... ce n'était pas la peine... Comment est-ce que - aïe! Comment est-ce que tu vas faire pour retourner à ta chambre alors qu'il est si tard? Tu... tu vas te faire avoir..."

Fred se sentait affreusement embarassé: pourquoi Kaven était-il resté auprès de lui, pourquoi ne l'avait-il pas tout simplement laisser cuver son vin? Il avait déjà fait l'effort de traîner le jeune occidental à moitié inconscient (qui ne se rappelait plus rien du trajet), et maintenant il allait avoir des ennuis... Fred ne comprenait plus. Il était tellement perdu par l'attitude de sa nouvelle connaissance qu'il en oubliait presque de lui en être reconnaissant - personne ne s'était jamais conduit de manière si attentionnée avec lui, pas même ses parents...

"Je te remercie... mais tu n'aurais pas dû, tu... tu ne me connais même pas..."

Comment protester lorsque quelqu'un que l'on connait à peine s'occupe de vous aussi attentivement que gratuitement? Abasourdi, Fred se laissa faire lorsque Kaven le poussa à se rallonger, et il ne protesta pas non plus lorsque le jeune homme alla humecter la serviette devenue tiède. L'attitude de ce lycéen ouvrait de nouveaux horizons à l'Occidental. En effet, jamais il n'aurait pu croire qu'on puisse aider un inconnu de la sorte. Cela l'obligeait à reconsidérer sa propre conduite: pourquoi n'avait-il jamais eu le moindre regard pour les SDF qui s'aventuraient jusque dans le centre des affaires, là où il habitait? Qu'est-ce qui l'avait empêché de leur accorder quelques pièces, voir seulement un sourire, un salut?

Et voilà que Kaven tenait à s'en aller, au risque de finir en retenue et d'être fiché pour une faute qu'il n'avait pas commise. Tout en retenant d'une main la serviette que le jeune Japonais lui avait déposée sur le front, Fred fit l'effort d'affronter sa migraine le temps de se relever sur un coude et d'adresser la parole à sa nouvelle connaissance en la regardant dans les yeux:

"Attends... Ca me met mal à l'aise de te voir partir comme ça, v... vraiment. Il y a un matelas sous mon lit, je crois. Si tu veux, tu... tu peux dormir ici, ça t'évitera des ennuis inutiles. Ou alors promets-moi au moins de leur expliquer la vérité si tu te fais prendre, d'accord? Ce... ce n'est pas juste qu'on te punisse à ma place."

Fatigué, il se laissa retomber sur le côté, avant d'ajouter sur un ton morne:

"De toute façon c'est bien fait pour moi, je... je n'avais qu'à pas faire confiance à Akira. Je ne veux pas que tu payes pour moi, c'est tout."

Puis, après un temps de silence:

"C'est vrai ce que tu racontes à propos de l'alcool? Que je devrais essayer d'en reboire demain?"

C'était une démarche qui paraissait pour le moins suspecte à Fred, mais il n'osait pas trop montrer à quel point son adolescence de solitaire l'avait rendu ignorant dans tout ce qui touchait à la gueule de bois. En fait, s'il ne faisait pas erreur, c'était bien la première fois de sa vie qu'il était malade pour avoir trop bu.